Que se passe-t-il dans les villes que nous laissons derrière nous ? Sans nous, dans les méandres des vies de ceux que nous quittons ? Que deviennent les chambres d’hôtel et les cafés, théâtres éphémères de nos rencontres comme de nos ruptures ? C’est un monde “surpeuplé d’absences” dont Guéorgi Gospodínov mène ici l’exploration. Un poème après l’autre, il dessine avec une délicatesse et une acuité hors du commun les contours de vies fragmentées entre présent et passé, entre frontières et patrie. Il y fait aussi le touchant inventaire de toutes les choses qui malgré tout tiennent tête au temps : gestes du quotidien, saveur des plats simples, naïvetés des enfants, souvenirs d’amour et de la nature, bien sûr, toujours dépeinte avec révérence et comme la seule force à pouvoir réellement triompher de la mort.
Marie Vrinat, née en 1960, est agrégée de Lettres classiques et professeur des universités en langue et littérature bulgares et en théorie de la traduction littéraire à l’INALCO. Elle est l’auteur de manuels ainsi que de nombreux articles sur l’histoire de la littérature bulgare et la pensée de la traduction littéraire. Elle a traduit en français une cinquantaine de livres d’auteurs bulgares et a reçu de nombreux prix et distinctions pour son activité de traduction et de rayonnement de la culture bulgare en France. Elle consacre aux écrivains bulgares contemporains le site Écrivains de Bulgarie : http://litbg.eu.
Il restait tant de fois
seul devant les tables du monde,
regardant sa montre,
observant les gens,
griffonnant quelque chose
avec gêne évidemment,
dans ce même carnet
noir, vert, bleu
ou blanc au fil des ans.
Attendez-vous encore quelqu’un,
demandent les serveurs,
attendez-vous quelqu’un ?
Je ne sais pas encore, dis-je,
elle peut avoir du retard, dis-je,
elle peut
ne jamais venir.
rien ne sera démoli
les maisons seront toujours là
les rues toujours là
le cerisier dans le jardin sera là
nous seuls ne serons plus là
je le sais depuis lors
la mort est un cerisier
qui mûrit sans moi