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C’est ici par Christophe Van Staen

Couverture du livre C'est ici de Daniel Simon
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Note de lecture

Cher Daniel,

Vous aussi arpentez. « To be, or not to be. That is the question ». Vous savez que la formule, au gré de la ponctuation, peut être lue ainsi: « To be, or not. To be: that is the question », ce qui en modifie le sens. Vous me semblez faire de même avec la formule « Hic et nunc »: « Hic. Et nunc? ». « Hic », « c’est ici », et maintenant, ce maintenant qui en découle de manière si confuse, indicible, et qui forme la grande question:  » Et maintenant? ».

Mais cet ici n’est pas fait chez vous que d’espace, ou de lieux; vous en transcrivez l’effet psychologique sur la perception des choses, et tout d’abord du temps; expérience subjective, au point de bascule entre le passé et le présent au bord du gouffre de l’avenir: vous êtes cet immense équilibriste marchant sur un fil, entre surgissement et ensevelissement; l’ici est ce royaume intermédiaire où une renaissance, mais délicate, fragile, devient possible en dehors des effets du temps. Et vous cheminez à pas prudents sur ce fil toujours dangereux non dans l’optique du sursis, mais dans celle d’une latence, un état de conscience ancré dans le réel (peu de rapport donc avec l’ataraxie ou le bouddhisme), « sans attache aux chevilles ».

Exercice difficile qui tend à l’universel, mais sans grande déclaration ni emphase, dans le dépouillement, donc, avec un « vocabulaire rétréci à la mesure de l’homme », poème faussement « maladroit », foulé « du pied gauche »: ici, passer, aller, marcher, le chemin, le sentier, les forêts, les moissons, ce qui défile dans la fenêtre du train. Vous déambulez, pour restituer ce qui est foulé et se noie dans le toujours « provisoire », entre nuit et jour, avec une grande pudeur quant à la métaphore et une défiance quant à la grandiloquence, de toute manière inopérantes dans un tel contexte. C’est à la page 83, à mon sens, que se dévoile déjà le fond de votre pensée, et même, si j’ose dire, un art poétique. Fortiche! Car il est en effet si simple, si facile, si tentant de ‘verser dans », c’est-à-dire de se laisser choir de part ou d’autre du fil. Ce que vous évitez avec une élégance discrète. L’espace devient la réponse à cette question difficile: comment aborder le temps qui passe et cerner le présent à nouveaux frais. J’ai beaucoup aimé ce recueil, et reste impressionné par l’art modeste que vous appliquez avec bonheur à une telle gageure.

Bravo! Avec toute mon admiration, Christophe