En octobre dernier, Cécile Guivarch qui dirige la revue Terre à ciel, a écrit un très beau billet sur Des corps poussés jusqu’à la nuit de Ada Mondès
L’occasion de rappeler que le recueil est toujours disponbible en librairie ou sur notre site au prix de 15€.
Des corps poussés jusqu’à la nuit, Ada Mondès, Les Carnets du Dessert de Lune
” La voix d’Ada Mondès porte celles d’un siècle où les guerres ont laissé des stigmates, où les enfants ont parfois grandi trop vite. Une voix qui ne dit pas à demi-mot, une voix qui s’étale sur la page, qui ne connaît pas l’ellipse. Une écriture qu’on lit avec l’oreille, car la lire c’est l’entendre. Une écriture intensément orale. Une langue qui se déverse et chante. Un chant triste et lucide sur le monde. Chant pour les afghans, les iraniens, les échappés de daesh, les exilés, les témoins de génocides ou des dictatures – lorsque d’autres regardent calmement la mer. Ada Mondès est de « ceux qui veulent dire dire dire ». Et cela revient en leitmotiv : « j’ai vu ». Une écriture « comme la pluie ça s’en fout ça tombe où ça tombe ». Ada Mondès ne s’en cache pas : « j’écris un peu en vrac ». Mais ce n’est pas si en vrac que cela, car Ada Mondès écrit ce qu’elle a à dire. Elle tente de relier le monde à la vie et à l’amour. Les idées se déversent et se bousculent, mais reviennent finalement au soi traversant le monde. Parfois elle semble écrire pour écrire au risque d’égarer le lecteur. Puis non, car écrire est devoir de mémoire. Ecrire dénonce les horreurs qui ont traversé notre siècle. Notre seule arme : vivre et s’aimer.
” (…) j’écris avec ceux qui marchent dans la maison invisible où allumer des feux rendre visibles les incendies du monde du moi du je dans ma tête il n’y a rien d’autre que ces blessures du son j’écris pour faire désordre pour dérailler restant sur le rail de la page j’écris pour faire dégorger le monde exprimer le cœur énorme escargot carapace dégueulasse de bave de sentiments pour croire pour pas croire en rien j’écris sachant que j’ai du mal à croire j’écris je reviens à moi restaure mes mémoires je rappelle mes morts les apprend les étale j’écris je parle occupe ma langue pour me tromper tromper l’attente la maladie la faim pour me foutre en l’air fiche à l’eau foutre le feu ficher le camp le feu de camp le champ lexical sémantique la concentration de mes mains le cri l’agonie la rime le rythme algorithmique j’ai pas fini pas fini malgré la perte répétée la disparition le deuil j’écris encore conjugue sans décliner (…) ” “
Cécile Guivarch