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Dans le dernier numéro de la revue littéraire Europe, on peut trouver une note de lecture sur le livre « Un jour plus loin dans le jour » de Thierry Pérémarti récemment publié dans notre collection Lune de Poche.

Nous partageons avec vous l’article de Gabriel Zimmermann, qui nous parle de ce recueil où prédomine la concision et nous invite à découvrir quelques passages. Vous pouvez acquérir la revue ici.

Couverture livre de poche: un jour plus loin dans le jour
Couverture livre de poche: un jour plus loin dans le jour

Dès le poème introductif, nous pénétrons dans un recueil où prédomine la concision, d’abord par sa composition qui privilégie les strophes brèves, les vers courts (jusqu’au mono-syllabe) ainsi que par la suggestivité mystérieuse qui en émane, comme en témoigne l’abondance des ellipses et des implicites, incitant les lecteurs à chercher un sens qui ne s’offre pas immédiatement. La syntaxe participe de ce que nous pourrions ici nommer une esthétique du couperet dans la mesure où certains textes s’achèvent par des chutes (« le souvenir, tête qui dépasse », « de quoi / étions-nous le solde, de qui »). Ensuite, plutôt que de célébrer un plaisir contemplatif, une satisfaction face au réel, l’auteur se penche sur la part inquiète de l’être humain. Dans une franchise mêlée d’intransigeance, il dit fréquemment hésiter (« à tâtons j’écris »), confie avancer parmi des paysages au sein desquels il ne puise aucun repère, pris dans un tiraillement dont il ne s’arrache pas. Plus désorienté que perdu, plus fragile qu’accablé, il cherche un itinéraire, un ancrage qui l’extirperait de sa précarité existentielle. Conscient qu’il n’y parviendra pas seul, il s’adresse à plusieurs reprises via l’apostrophe à une personne aimée que nous ne limiterons pas à un tu biographique, car s’il se réfère parfois à quelqu’un partageant son quotidien (« tes yeux ton sexe / décident / de l’heure »), il amorce à d’autres moments un dialogue avec une sorte d’ami d’infortune sur lequel aucune information complémentaire n’est fournie (« tu marcheras l’éblouissement / en moins »). Le besoin d’une présence est d’autant plus pressant qu’au fil des pages, la vie est régulièrement associée à une suite de conflits, d’émotions brutales pouvant renvoyer à l’agôn de l’Antiquité grecque, l’artiste recourant souvent à un vocabulaire en lien avec le heurt, la destruction, la coupure occasionnée par une entaille (« la lame du canif », « saignant à blanc », « la vie […] s’escrime »), nous dressant un tableau des combats intérieurs qui l’assaillent, ballotté par les dissonances qu’il voit et entend près de lui, ses blessures personnelles, l’angoisse du temps qui file. Le chaos dont il nous rend compte, ponctué de courtes trêves puis relancé comme un ogre insatiable, peut faire écho à l’image du « monde renversé » de la littérature baroque par les contradictions qui parcourent le livre, comme nous l’observons à travers les antithèses (« le jour se déploie / se replie », «s’efforcent, croulent», « tout est là / sans / y être »). À l’avenant, il aspire à tantôt s’établir dans un lieu sûr, tantôt s’affranchir de toute identité (« aller où prendre / racine », « déshabiter le monde »). Sans glisser vers le pathos d’une lamentation tragique ni esquisser une résolution, une échappatoire à cette lutte, Thierry Pérémarti dit avec humilité, comme nous murmurerions un aveu dans l’obscurité, qu’au-delà de notre finitude (« pourquoi […] s’avancer / si chaque pas n’agrandit / que notre ombre ») et du sentiment d’absurdité qui s’y rattache ; au-delà aussi d’une spiritualité animiste qu’il serait inopérant d’assigner aux choses (« la route / n’a que faire / de nos pas »), un soulagement provisoire se loge dans la pérennité de l’amour. Pour terminer, nous relevons que l’ouvrage ne se conclut pas avec la perspective d’une joie ou d’un apaisement durable; au contraire, il se cristallise dans la sombre énergie du questionnement et de l’irrésolution; à cet égard, nous remarquons que le dernier substantif est « doute », pareil à un soldat montant la garde, obligé de rester aux aguets face à l’éventuelle irruption d’un ennemi. Dès lors, il nous maintient dans une instabilité, voire une fébrilité qu’il convient d’admettre comme une part substantielle de nous-mêmes. Comme s’il nous tendait un miroir âpre et fêlé à plusieurs endroits, il nous confronte à nos errances, nos antagonismes, nos paradoxes, nos flottements mais la littérature a-t-elle pour prérogative d’être confortable ?